Les heures souterraines

Les heures souterraines et autres petites choses.

Pas trop original, il pleut sans arrêt, des grêlons aussi, le tonnerre et depuis combien de temps ? Je ne sais plus, inutile de s'appliquer en faisant son brushing, la tempête se chargera de mettre du désordre. De quoi être morose, pas pour le brushing, mais parce qu'il est presque impossible de sortir.

Mardi soir au club Françoise fêtait son anniversaire, elle avait confectionné des petits gâteaux salés et sucrés, et il y avait une bouteille de vin qui portait une étiquette "L'effrontée". C'est une nouvelle mode de mettre des drôles d'étiquettes sur de très bonnes bouteilles de vin. J'ai relevé "Entre chiens et loups" "Un moment de tendresse" "Sang chaud" "Le rouge qui tâche" "Eloge de la paresse" et un beaujolais qui s'appelle "Porc tout gai", c'est peut être amusant mais je pense préférer les anciennes étiquettes. On s'habituera sans doute ou la mode passera.

Un sujet au journal télévisé : Une nouvelle façon d'implanter les cheveux révolutionnaire, plus de champ de poireaux, avec une seringue on peut implanter des poils pris n'importe où, sur la poitrine par exemple (si il y en a) mais cela coûte cher, deux euros le cheveu, Christian est d'accord pour investir dix euros, je doute que cela suffise. J'ai fait le tour des joueurs du comité, il y a un beau chiffre d'affaire en perspective.

L'an dernier, Christian a fabriqué une très jolie cabane pour les oiseaux, ils boudaient un peu, mais cette année elle est très fréquentée, nous mettons des boules de saindoux et de graines et c'est un plaisir de voir les petites mésanges picorer. Mais voilà, notre voisin a coupé un arbre dans son jardin et une branche servait d'appui à sa cabane, il a donc posé le petit abri contre la clôture tout près de la nôtre. Concurrence déloyale, les oiseaux ne savent plus où aller, nous avons préparé une pancarte "Ici mieux qu'en face" pour recupèrer notre clientéle, et comme il faut toujours améliorer l'habitat, Christian pense installer des panneaux solaires sur le petit toit pour rendre la cabane plus attractive. Tout ça pour rire. Nous avons de bonnes relations de voisinage.

On entend dire qu'Albert Camus pourrait prendre place au Panthéon. Je n'aime pas du tout cette idée. Tout à l'heure nous avons pu entendre le discours grandiloquent de Malraux lorsque Jean Moulin est entré au Panthéon, j'ai du mal à imaginer la même chose pour Camus, bon pas par Malraux je sais. La tombe de Camus est si belle à Lourmarin, laissons le là où il repose, ce pied-noir fils d'une mère analphabète et d'un père mort très tôt et qui fut un peu snobé par l'intelligentsia de l'époque, continue à faire vendre ses livres, un auteur que tout le monde peu lire, compréhensible, je ne crois pas qu'il aimerait se retrouver dans ce lieu austère, lui fils du soleil. Laissons Camus tranquille

J'ai fini tout à l'heure "Les heures souterraines" de Delphine de Vigan. J'ai acheté ce livre, comme ça, un coup de coeur en lisant le titre, je ne connaissais pas cette écrivaine. J'ai eu raison, je ne me suis pas trompée, un très beau livre, pas très gai, mais qui décrit très bien la société actuelle et surtout le monde de l'entreprise, monde cruel. Je ne me doutais pas en l'achetant qu'il allait faire remonter tant de mauvais souvenirs.

Mathilde l'héroïne du livre après huit ans de bons et loyaux services à un poste important, se voit brusquement reléguer "au placard" par la volonté d'un chef irascible, on suit l'entreprise de démolition d'un être humain jusqu'au moment où elle craquera et partira. Nous avons vécu pendant dix huit mois cette mauvaise expérience, je dis nous, mais c'était lui, on ne peut que partager ces mauvais moments, il faut soutenir, et même quelquefois arriver à en rire. La cinquantaine bien entamée, une grosse entreprise qui fait des mauvaises affaires et qu'un groupe rachéte, un groupe qui a besoin pendant deux ans du cadre qui maîtrise tout pour clôturer le dépôt de bilan, mais en faisant miroiter un reclassement. Ensuite c'est l'attente, les promesses non tenues, ce poste ne vient pas, on attribue un bureau tout au fond d'un couloir où personne ne passe, sans fenêtre, il faut tenir et on tient. Alors comme on ne semble pas vouloir plier on déménage dans un bureau vitré situé au beau milieu des bureaux où les gens travaillent, alors qu'on a rien à faire. Une remarque cynique lorsque vous arrivez cinq minutes en retard "Comment un cadre de votre importance peut-il donner le mauvais exemple" mais on tient toujours. On se léve le matin normalement et on part tuer le temps. Le glou-glou d'une cafetière vous tient compagnie, un jeu de scrabble bien ouvert sur le bureau ne semble déranger personne, et les autres qui viennent vous soutenir un peu mais pas trop, ils tiennent à leur emploi. Il faut absolument tenir jusqu'à l'âge de la pré retraite. Un jour une idée lumineuse, le code du travail et une quantité de documents sur les différentes centrales syndicales parsément votre bureau, le groupe n'aime pas du tout les syndicats, mais pas du tout, c'est le déblocage, vous êtes libre.
Il fallait tenir dix huit mois et être très solide dans sa tête pour ne pas sombrer. Cela fait quinze ans que c'est arrivé, le monde de l'entreprise était déjà cruel et cela n'a fait qu'empirer. J'ai donc revécu ces moments en lisant ce livre, et j'ai encore pris conscience que tout aurait pu basculer.
Dans ce livre en parallèle il y a aussi la vie d'un SOS Médecin, fatigué, épuisé par sa vie et par toute la misère qu'il côtoie tous les jours, on espère que Mathilde et lui se croiseront, oui ils se croisent mais rien ne se passe, c'est dommage. La fin aurait pu être plus gaie, comme la fin de notre histoire.

Comme d'habitude quelques dessins :

Le grand emprunt. Mais la France n'arrête pas d'emprunter, il parait que les caisses seront vides dès le premier juillet, nous vivons pendant six mois à crédit.

La queue, la queue partout. Le dessin est parlant.

La vente des armes, mais ça toujours été comme cela non ?                       MClaire.